vendredi 2 mai 2008

Tchernobyl


Il y a 22 ans, le 26 avril 1986, le réacteur nucléaire de Tchernobyl explosait.
Un ouvrage considérable a été publié récemment en langue russe sous la direction du Professeur Alexei Yablokov, à Saint-Pétersbourg, sur les conséquences de cette catastrophe. « L'intérêt et la portée de ce livre de 376 pages en russe, qui contient 826 titres de publications scientifiques dans sa bibliographie, m'ont poussé à l'aider à franchir la barrière linguistique, qui constitue malheureusement l'un des moyens efficaces et gratuits à la disposition du lobby nucléaire pour empêcher que la vérité se fasse jour. Je vous envoie la version réduite, que je viens de traduire, de cet ouvrage, dont l'idée principale est de présenter de façon brève et systématique les résultats de la grande masse des recherches consacrées aux différentes conséquences de la catastrophe de Tchernobyl. Publiées en langue russe ces recherches sont inconnues en occident. Ce livre réalisé par le professeur Yablokov révèle que la lutte n'a pas cessé. Nous nous devons de la soutenir. » Wladimir Tchertkoff

TCHERNOBYL, Conséquences de la catastrophe pour l’homme et le nature de Alexei V. Yablokov, Vassili B. Nesterenko, Alexei V. Nesterenko (2007)

Dure vérité sur la catastrophe de Tchernobyl
L’explosion du quatrième bloc de la centrale nucléaire de Tchernobyl le 26 avril 1986 coupa la vie de millions d’habitants de la planète en deux parties : l’AVANT et l’APRÈS Tchernobyl. La catastrophe de Tchernobyl est un alliage complexe où se confondent aventurisme technocratique et héroïsme de la part des liquidateurs, solidarité humaine et couardise de la part des hommes politiques (qui ont eu peur de prévenir leurs populations de l’énorme risque, multipliant le nombre de victimes innocentes), souffrances des uns et intérêt des autres. […] Les vingt années qui se sont écoulées depuis la catastrophe nous ont clairement démontré que l’énergie atomique recèle bien davantage de danger que les armes nucléaires : le rejet d’un seul réacteur a provoqué une contamination cent fois supérieure à la contamination due aux bombes lâchées sur Hiroshima et Nagasaki. Il est évident aujourd’hui qu’un seul réacteur nucléaire est capable de contaminer dangereusement la moitié du globe terrestre. Il est devenu évident que les habitants d’aucun pays de la planète ne peuvent plus compter sur leurs gouvernements pour les protéger d’une contamination radiologique apportée par le vent on ne sait d’où. […]
La contamination des territoires
Il est nécessaire d’établir le caractère et les dimensions de la contamination causée par Tchernobyl pour évaluer les conséquences de cette catastrophe. Le nuage de Tchernobyl a fait au moins deux fois le tour de la Terre, en laissant des traces principalement dans l’hémisphère nord. […] Combien de personnes ont été touchées par la contamination de Tchernobyl ?
Contamination radioactive

Dans l’ensemble, une grande partie des radionucléides gazeux et aérosols, expulsés du 4ème réacteur de la centrale de Tchernobyl s’est déposée hors des frontières du Bélarus, d’Ukraine et de la partie européenne de la Russie. […] Selon certaines données, l’Europe a reçu 68-89% de radionucléides gazeux et aérosols déposés sur la terre ferme par les nuages de Tchernobyl. Ils se sont distribués de façon extrêmement irrégulière. Pendant les rejets actifs du réacteur (du 26 avril au 5 mai 1986) le vent autour de Tchernobyl s’est déployé à 360°, en conséquence de quoi les rejets radioactifs (composés de radionucléides différents suivant les jours) ont couvert de grandes étendues. […] Les rejets des radionucléides du réacteur en feu ont duré jusqu’à la mi mai. Chaque rejet avait sa propre géographie et composition de contamination. Il n’y a pas de données instrumentales de contamination de tous les pays d’Europe par tous les radionucléides de Tchernobyl, et désormais il n’yen aura plus jamais. Les données calculées (sur 1 km2 en moyenne) ne sont publiées que pour le césium 137 et le plutonium. La contamination par le césium 137 de Tchernobyl a touché tous les pays européens sans exception. […] En résumant sommairement, la contamination radioactive de Tchernobyl a touché près de 400 millions de personnes (205 millions en Europe et environ 200 millions hors de l’Europe), à un niveau de 4 kBq/m2 (0,1Ci/km2) et plus.
Contamination par le plomb
2400 tonnes de plomb selon certaines, et 6720 t. selon certaines autres ont été déversées au cours des opérations d’extinction du réacteur du bloc numéro 4 en feu de la centrale de Tchernobyl. Pendant les quelques jours qui ont suivi, une partie importante de ce plomb a été rejetée dans l’atmosphère suite à sa fusion, à son ébullition et à sa sublimation dans l’incendie du réacteur.
Difficultés pour obtenir des données objectives sur les effets de la Catastrophe
Causes subjectives : 1. secret ; 2. falsification officielle sans retour des statistiques en URSS ; 3. absence d’une statistique fiable en URSS (ensuite, en Ukraine, au Bélarus et en Russie) ; 4. désir prononcé des structures gouvernementales et de l’industrie atomique, ainsi que des principales organisations intergouvernementales compétentes (AIEA et OMS) de minimiser les conséquences de Tchernobyl. […] La situation des liquidateurs est significative à cet égard (leur nombre total s’élève à plus de 800 000). Au cours des premières années après l’accident il a été interdit officiellement d’établir la corrélation entre la morbidité et la radioactivité, en conséquence de quoi les données sur la morbidité des liquidateurs, obtenues avant 1989, on été falsifiées sans retour. […] Ainsi, par exemple, dans le livret militaire de pas un seul (!) des 60 000 militaires en service, qui ont participé aux travaux de liquidation, n’a été enregistré le dépassement de la norme de 25 röntgens, alors en vigueur. En même temps, l’examen clinique de 1100 militaires liquidateurs a révélé chez 37% d’entre eux les symptômes hématologiques de la maladie des rayons, qui indique que ces personnes ont reçu plus de 25 röntgens. […]
La santé de la population
Les premières prévisions officielles des conséquences de la catastrophe de Tchernobyl parlaient seulement de quelques cas supplémentaires de cancer au bout de quelques dizaines d’années. Quatre ans après, ces mêmes personnalités officielles augmentèrent le nombre des cas prévisibles à quelques dizaines (alors qu’il y avait déjà des milliers de malades). Vingt ans après, ces mêmes experts formulent la position officielle de l’AIEA et de l’OMS, selon laquelle le nombre des morts et de ceux qui mourront à cause des maladies provoquées par la catastrophe, s’élèvera à près de 9000, et le nombre des malades à quelques dizaines de mille. Près de 400 millions d’habitants de la Terre ont reçu les retombées de Tchernobyl et peuvent, eux-mêmes et leurs descendants, éprouver les conséquences négatives de l’irradiation ionisante de Tchernobyl. L’analyse de cette modification de la santé dans ses dimensions globales sera la tâche des recherches futures. La présente étude examine plus en détail les données sur la santé des populations touchées de la partie européenne de l’URSS (essentiellement, de l’Ukraine, du Bélarus et de la Russie européenne), au sujet desquelles existe une énorme quantité de publications scientifiques, peu connues en Occident. […] Habituellement, quand on mentionne les conséquences de la catastrophe de Tchernobyl pour la santé des personnes, on pense à l’apparition des maladies cancéreuses. Cependant, quelle que soit leur importance, les maladies cancéreuses sont loin d’épuiser les conséquences médicales de la Catastrophe. Les maladies des systèmes circulatoire et lymphatique sont l’une des conséquences les plus répandues de la contamination radiologique de Tchernobyl chez les enfants et les adultes. Les maladies des organes circulatoires sont l’une des causes principales d’invalidité et de la mort des liquidateurs. […] L’augmentation des maladies des organes respiratoires dans les territoires de Tchernobyl est observée partout. Les maladies des organes respiratoires (cavité nasale, pharynx, trachée, bronches, poumons) constituent l’une des premières conséquences visibles de l’irradiation ionisante, - des hémorragies nasales et irritations de la gorge aux cancers des poumons. Vingt ans après la catastrophe, une grande quantité de données est apparue sur les atteintes génétiques, liées à l’irradiation supplémentaire de Tchernobyl. […] Le perfectionnement des méthodes scientifiques rendra possible un recensement plus complet de ces mutations génétiques. Toutefois on peut dire déjà, qu’en apparaissant dès les premiers jours qui on suivi l’irradiation et en augmentant le risque d’apparition de différentes maladies, la modification des structures génétiques fut la première manifestation dangereuse de la catastrophe de Tchernobyl. Même si l’irradiation de Tchernobyl ne subsistait que peu de temps (comme à Hiroshima et à Nagasaki), ses conséquences se feraient sentir suivant les lois de la génétique statistique pendant au moins une série de générations successives à partir de l’instant de la Catastrophe. L’irradiation de Tchernobyl est génétiquement plus dangereuse que celle de Hiroshima et Nagasaki, tant parce que la quantité des radionucléides rejetés par la Catastrophe dans la biosphère est des milliers de fois supérieure, qu’à cause de la composition des radionucléides. Elle a frappé et frappera les habitants dans des territoires immenses pendant des siècles, en ajoutant de nouvelles atteintes génétiques à celles déjà reçues. Les conséquences génétiques de la catastrophe de Tchernobyl toucheront des centaines de millions de personnes, parmi lesquelles : · celles qui ont subi le premier choc radiologique par les radionucléides de courte période dans le monde entier, en 1986 ; · celles qui vivent, et vivront pendant pas moins de 300 ans, dans les territoires contaminés par le strontium 90 et le césium 137, jusqu’à ce que leur niveau ne baisse jusqu’à celui du fond naturel ; · celles qui vivront dans les territoires contaminés par le plutonium et l’américium pendant des milliers d’années ;· les enfants des géniteurs irradiés pendant sept générations (même s’ils vivront dans des territoires propres).
Contamination de l’atmosphère, des eaux et des sols
Suite à la migration verticale des radionucléides, ceux-ci seront assimilés en quantités importantes par les végétaux, dont les racines se trouvent dans les couches inférieures du sol. Capturés par les racines, les radionucléides qui se sont enfoncés dans le sol, se retrouvent une deuxième fois en surface (dans les parties superficielles des végétaux), et entrent dans les chaînes alimentaires. C’est l’un des mécanismes observés ces dernières années de l’augmentation de la contamination interne de la population dans les territoires contaminés.
Expérimentation de l’emploi d’entéroabsorbants pour l’élimination des radionucléides de l’organisme
Une teneur élevée des principaux aliments de production locale en césium 137 dans les territoires contaminés comporte le danger de l’accumulation d’une quantité dangereuse de radionucléides dans l’organisme humain, principalement chez les enfants. Cette accumulation des radionucléides constitue la cause principale de l’aggravation de la santé des enfants dans les territoires contaminés. Ici ce problème est examiné sur la base de l’expérience obtenue au Bélarus. Comme cela a été montré par Y. I. Bandajevsky et al., à partir de 50 Bq/kg d’accumulation du césium 137 dans l’organisme de l’enfant des altérations pathologiques peuvent apparaître dans les systèmes vitaux (cardio-vasculaire, nerveux, endocrinien, immunitaire), dans les reins, foie, yeux et autres organes, la production de l’immunoglobuline est altérée dans l’organisme. Les études scientifiques effectuée dans le Centre de médecine radiologique d’Ukraine et dans l’Institut de médecine et d’endocrinologie du ministère de la Santé du Bélarus sont arrivées à la conclusion, que l’introduction plusieurs fois par an de produits vitaminés à base de pectine dans la ration alimentaire des habitants des régions de Tchernobyl favorise une élimination efficace des radionucléides incorporés du corps humain.
Conclusion
Des dizaines de tonnes de radionucléides de Tchernobyl, éjectés par le réacteur explosé (leur radioactivité surpasse plusieurs centaines de fois les rejets des bombes atomiques qui ont détruit Hiroshima et Nagasaki), sont tombées, au cours du lointain printemps et de l’été 1986, sur les territoires où vivaient des centaines de millions de personnes qui n’avaient rien à voir avec la dangereuse industrie atomique. […] La vie normale de dizaines de millions de personnes a été perturbée. Des millions de personnes innocentes ont déjà payé de leur santé les erreurs des nucléaristes. Mais pour plus de six millions de personnes, qui habitent encore aujourd’hui dans les territoires dangereusement contaminés (et qui le seront encore pendant de nombreuses dizaines d’années), se pose quotidiennement le problème : comment continuer à vivre ? Dans les territoires contaminés par les dépôts de Tchernobyl il est dangereux de s’occuper d’agriculture, il est dangereux de cultiver les forêts, dangereux de pêcher le poisson et de chasser le gibier, il est dangereux de consommer les denrées produites localement sans contrôler leur radioactivité, dangereux de boire le lait et même l’eau. A ceux qui vivent dans ces territoires (ou qui y ont vécu, ou qui se sont trouvés parmi les liquidateurs) la question se pose de comment éviter la tragédie de la naissance d’un fils ou d’une fille avec de graves affections héréditaires provoquées par l’irradiation ?

Tout ce qui précède est le résumé du “digest” réalisé par Wladimir Tchertkoff ; le résumé français du livre d'Alexei Yablokov (57 pages, mars 2008) peut être obtenu sur demande à vertelectro@lesverts.fr

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